Pour l'amour de Carla

Avril 2009, je découvre, tout à fait par hasard en suivant un lien, un site où sont proposés des chiens espagnols à l'adoption. Je les regarde avec attention et je découvre ta photo et tes yeux implorants. J'appelle Frédéric et en quelques minutes, terriblement touchés par ton regard perdu, nous faisons les démarches pour t'accueillir.

 

Notre vie commune a commencé ce matin de mai lorsque nous t'avons découverte, blottie au fond de la voiture de la personne qui t'avais covoiturée depuis le camion t'ayant transportée de l'Espagne à la France.

 

Frédéric a du te porter pour te mettre dans notre voiture. A peine quelques kilomètres à faire mais tu étais tremblante à mes pieds, le regard complètement perdu. Il a fallu te porter également jusqu'à notre appartement où tu es tout de suite allée te cacher à l'angle du salon derrière les rideaux. 

Ma pauvre chérie, comme tu étais traumatisée et terrifiée. Tu y es restée des semaines dans ton coin, surveillant toutes nos allées et venues, t'empêchant de dormir, le regard aux aguets en permanence. Oh tu te laissais toucher, mais si tu avais alors pu te fondre dans le mur...! Te rappelles-tu comme nous étions désemparés devant ton attitude de petite chienne terrorisée ?

 

Mon Dieu, que t'avaient-ils fait ces barbares qui, nous l'avons découvert à travers ton histoire, martyrisent leurs galgos et leur font subir d'atroces souffrances au nom d'un soi-disant honneur de galgueros ! Toi, tu n'es qu'une petite croisée épagneul qui n'a pas du satisfaire à la chasse, comme tous ces malheureux. Tu as été trouvée errante et paniquée dans un petit village espagnol...

 

Alors j'ai suivi mon instinct sans jamais te brusquer. Au début, on te portait dehors pour que tu fasses tes besoins mais tu n'avais qu'une idée en tête : t'enfuir. On a compris qu'il fallait te laisser le temps, que c'est toi qui déciderais. Tu te souviens ? Je te faisais des petits chemins de gruyère pour te montrer, d'abord jusqu'à la porte de l'appartement, puis dans le couloir, jusqu'à l'ascenseur puis l'entrée de l'immeuble. Il nous a fallu sept mois ma belle mais tu as compris que c'était bien agréable d'être dehors et que la laisse n'était pas un instrument de torture.

On m'a félicitée pour cette patience mais je n'ai aucun mérite car je t'aimais déjà si fort. Toi tu ne savais pas ce qu'était l'amour, ni donné ni reçu. Personne ne t'avait jamais montré combien c'est bon de se laisser aller et de s'attacher l'un à l'autre. Tu te souviens ma toute petite de ce bien être lorsque tu m'as abandonné ton ventre pour la première caresse ? C'était un bonheur partagé, j'étais tellement émue à ce moment-là. Cette émotion ne m'a jamais quittée...

 

Le chemin a été encore long pour que tu donnes ta confiance pour de bon mais nous nous sommes apprivoisées l'une et l'autre tout doucement. Notre amour mutuel a grandi avec le temps et nous nous comprenons sans rien nous dire. Ton regard est tellement éloquent quand il est posé sur moi mon ange.

 

Il y a plus de deux ans, Noa est venue te rejoindre à la maison : une petite chienne vouée à l'euthanasie dans une perreira espagnole. Tu as mis un mois à l'accepter, tu grognais dès qu'elle m'approchait. Je sais que tu avais peur qu'elle te vole mon amour et mes caresses. Mais tu es si sage que tu as compris que rien ne changerait pour toi qui as une place si particulière dans mon coeur.

 

Il y a eu cette vilaine tumeur cancéreuse qui nous a tant inquiétés, deux opérations avec l'angoisse que cela peut représenter, la peur de te perdre… Tu t'es battue ma chérie et nous à tes côtés. Et tu as gagné ! Tu es en pleine forme aujourd'hui. Nous avons fêté tes 10 ans.

 

Je te remercie pour tout ce que tu es ma Carla, patiente, douce, d'une incroyable gentillesse. Je suis fière de tous les progrès que tu as accomplis. Je t'aime, tout simple-ment...

 

Je te remercie d'avoir également éveillé en moi la conscience de la situation des chiens espagnols, particulièrement les galgos, les podencos, les chiens de chasse comme toi. Je me suis documentée, j'ai passé des heures sur internet, à lire, regarder des vidéos, aller sur le site des associations d'aide aux petits martyrs d'Espagne. Et c'est tout naturellement que j'ai souhaité être utile et que je me suis engagée auprès de Galgos France pour aider ses bénévoles dans leur combat si noble et si difficile.

 

Et quand je te regarde, ma Carla, si sage et si confiante, je pense à tous ces chiens dont Galgos France a permis l'adoption et une grande joie m'envahit d'avoir aidé, un tout petit peu à mon niveau, ces loulous à trouver des adoptants qui les aimeront comme je t'aime toi. Je pense aussi à tous leurs compagnons de misère restés là-bas et je sais alors pourquoi nous aurons toujours la force de nos battre…

 

Muriel, Déléguée Haute-Savoie (74)

 

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Commentaires: 7
  • #1

    veronique (mardi, 03 juillet 2018 08:08)

    C'est un très très beau témoignage d'amour qui touche profondément ...et réveille tant de souvenirs...merci à vous pour ce moment partagé

  • #2

    mh (mardi, 03 juillet 2018 19:46)

    Beau témoignage qui fait toucher du doigt que l'amour que l'on porte à tous ces animaux qui ont souffert passe quasi-obligatoirement par une patience infinie parfois frustrante mais qu'il ne faut pas se décourager car un jour cela s'améliore et ils découvrent alors le bonheur d'être aimés et cajolés et alors on peut en jouir en toute sécurité pour eux! Ne pas mettre la charrue avant les boeufs permet d'éviter au maximum les risques de fugues , même si le risque zéro n'existe pas hélas.

  • #3

    Michele Alberca (vendredi, 06 juillet 2018 11:30)

    Ma fille Emily a été aussi adoptée à Galgos France. Elle avait trois ans. J ai craqué sur son regard via internet. Cela fait six ans que nous partageons un immense et indéfectible amour. Elle a toujours la peur de l abandon. Merci à cette association pour tout ce qu ils font

  • #4

    Anne/Dago (vendredi, 06 juillet 2018 16:41)

    Bonjour Muriel et merci pour votre beau récit.
    Je ne connaissais pas tout le traumatisme que vous avez vaincu avec Carla.
    En vous croisant en promenade, on ne se rend compte de rien, elle a l'air parfaitement tranquille maintenant. Vous avez même réussi à la guérir de sa tumeur !
    C'est fou nous avons adopté chez Galgos la même année 2009 (le même voyage de juillet ?)
    Dago aussi était complètement effrayé, il a fallu tout lui apprendre mais ça a été beaucoup plus rapide.
    Malheureusement et malgré tous nos/ses efforts, son cancer s'est généralisé et il vient de partir avant Carla et ses 10 ans. Tellement confiant et facile à soigner pourtant !
    Je suis sûre qu'on s'attache encore plus à nos loulous qui ont souffert, un lien tellement fort se crée avec nous qui les "sauvons".
    Après leur départ, on souffre encore plus mais c'est le risque d'aimer et il faut alors garder son coeur ouvert pour tous les autres.
    Tous les jours je pense à Dago et à ses copains qui n'attendent que nous.
    Amicalement, Anne

  • #5

    catherine Helvin (vendredi, 06 juillet 2018 18:03)

    un beau témoignage de patience et d'amour

  • #6

    thimon (vendredi, 06 juillet 2018 23:07)

    Quel beau témoignage de ta "maman", une complicité et un amour sans faille se sont installés entre vous, quel chemin parcouru, un bonheur réciproque, 10 ans Joyeux Anniversaire petite Carla. Zavi mon petit ange podenco adopté également par le biais de Galgos France a connu sensiblement la même histoire que toi, au vu de sa maigreur et de sa chaine enfoncée dans les chairs de son cou, il a peut être échappé à une pendaison, ou il était maintenu attaché quelque part, et c'est malheureusement le cas de tous ces nobles animaux là bas, malmenés, torturés uniquement pour satisfaire l'égo d'un chasseur immonde nommé "galguero". Je me souviens de ta petite copine Noa, elle était sur mon groupe "Coeur de Cockers". Beaucoup d'autres belles années s'offrent à vous, profitez bien les uns des autres, humains et canins. Merci aux bénévoles de toutes ces associations quelles qu'elles soient, ceux des refuges espagnols, d'oeuvrer sans relâche pour les sauver de cette barbarie sans nom, aux FA, et aux adoptants de leur donner une seconde chance, de les aimer et de les chérir jusqu'au bout.

  • #7

    Isabelle (samedi, 07 juillet 2018 05:59)

    Bonjour,votre témoignage je l'ai lu avec beaucoup d'émotion,ma Mora tout à côté de moi. Adoptée en 2007,à l'âge de 3 ans,et nous avons l'immense joie de partager sa vie depuis 11 ans. Notre louloute âgée de 14 ans se porte à merveille,les balades se sont juste un peu raccourcies avec le temps,notre petite mamy fatigue un peu plus vite qu'avant. Merci encore à votre association pour cette adoption.