Le rôle difficile mais essentiel des familles d'accueil

Je me sentais forte, bien à l'abri derrière ma carapace de glace, bercée de certitudes : c'est bien d'être famille d'accueil et on ne s'attachera pas, c'est promis...

 

Le temps passé a peu à peu anesthésié les sentiments et l'échéance qui approche a ravivé les doutes : sera t’elle heureuse ? Prendront-ils soin d'elle ? L'aimeront ils autant que moi ?

 

Quelle prétention de croire qu'elle ne sera jamais aussi bien ailleurs que chez moi, alors on réfute, on se persuade…

 

Le plus dur c'est l'attente... Attente du départ où les jours s'égrènent avec lenteur, où l’on voudrait accélérer le temps, pour que cette épine qui nous blesse le coeur soit arrachée plus vite… Se dire c'est un mauvais moment à passer, alors faisons vite...

 

Chaque regard que je pose sur elle prend une autre dimension, comme si c'était le dernier… Tout prend une autre dimension, un goût de définitif, d'ultime.

 

J'interprète chacune de ses mimiques dans un anthropomorphisme sadique, je crois lire dans ses yeux des suppliques pour rester, dans la patte qu'elle me donne des appels à ne pas l'abandonner, dans ses câlins des tentatives de séduction pour la garder. Pourquoi l'homme s'ingénue-t-il à se torturer ainsi l'âme ?

 

Et le départ est là , j'ai préparé sa couverture, ses jouets, ses croquettes, ses papiers, collier harnais, double laisse, médaille… Comme la maman bienveillante qui prépare la valise de son petit, sauf que ce départ est un adieu.

 

La route se déroule en silence. La rencontre avec son nouveau papa me réconforte, il est doux et attentionné.

 

Mais elle tremble, je suis assise dans le coffre et elle se blottit contre moi, inquiète de cette balade matinale, seule sans ses sept copains qui sont restés à la maison. Je dois la porter pour la mettre dans cette voiture inconnue, elle me regarde ne comprend pas pourquoi je pleure en l'embrassant, pourquoi je pars précipitamment.

 

Le dernier regard, tant redouté, celui qui transperce la carapace et fait s'émietter les grandes résolutions, celui qui fait fondre la glace en un flot de culpabilité, celui qui vous brise et vous laisse anéantie…

 

Il pleut dehors, il pleut dans mon cœur.

 

Nelly

Dalila

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Commentaires: 11
  • #1

    Mel (lundi, 21 octobre 2019 06:38)

    Oh ... Je me reconnais dans tout ça, mon premier petit protégé a été adopté en deux mois, et le second part normalement d'ici peu en Belgique et l'attente oui, c'est dur ... Et les mêmes questions : est ce qu'il sera aussi bien traité qu'ici ? Est ce qu'il ne s'ennuiera pas ? Est ce qu'il verra un vétérinaire chaque fois qu'il en a besoin ? Etc, etc ...
    Ce qui me rassure : les photos et vidéos du bonheur du premier dans sa famille pour la vie. Je me dis : si ça a marché une fois, ça marchera la seconde, et on prend les précautions nécessaires l'association et moi, pour choisir les bonnes personnes :)
    La première fois pour le jour J, j'avais profité à fond le matin pour faire plein de câlins et de bisous. L'après midi au moment de laisser partir le petit podenco vers sa nouvelle vie, je l'ai posé aux pieds de son maître dans la voiture, sans l'embrasser et sans faire cas de lui, j'ai laissé ses nouveaux "parents" le faire. Je ne voulais pas qu'il se demande pourquoi je lui donnais toute cette attention à ce moment là, ni lui transmettre mon stress et ma tristesse car les chiens sentent ce genre de chose. Au final le voyage s'est bien passé, il a eu un peu de mal à sortir de la voiture, mais le soir même l'épreuve était oubliée pour lui ! Il dormait dans le lit avec des gens et des chats super sympas, il avait de l'amour, de quoi manger, des jeux et des balades et il m'a facilement "oubliée" et tant mieux, c'est ce que j'espérais !
    Alors je me raccroche à cette première bonne expérience pour calmer mes émotions en attendant que mon petit croisé pod en accueil rejoigne lui aussi sa famille définitive :)
    Bon courage à vous !

  • #2

    Anne-Marie (lundi, 21 octobre 2019 06:40)

    Très belle analyse, tellement juste! Bravo à toutes les FA qui font un travail formidable dans l'ombre.

  • #3

    Odette Defontaine (lundi, 21 octobre 2019 06:44)

    Bouleversant et tellement vrai.....je ne peux que supposer, je n ai jamais eu le courage d etre FA
    Comme vs je me suis svt demander comment ils vivent ce départ. Ils ne savent pas à ce moment là qu il est rempli de bienveillance. ..
    Merci à vs les FA

  • #4

    Catherine (lundi, 21 octobre 2019 08:19)

    A cela on rajoute dans les 2/3 jours qui suivent, le manque, et son cortège del petits maux qui l'expriment, douleurs à l'estomac, le sommeil qui s'est envolé.... Et les jours passent et heureusement les vôtres sont là pour vous consoler, se sont de véritables éponges à sentiments ces loulous..... Et coup de fil, "il y a un loulou a aider........ tu peux le prendre, on a vraiment besoin d'aide"...........

  • #5

    Delphine et bago (lundi, 21 octobre 2019 20:45)

    C est merveilleux et tellement bouleversant en meme temps de lire ce joli récit rempli de bienveillance et amour...
    Les FA font un travail remarquable avec ces loulous traumatisés par leur vie antérieure.. milles bravo pour ce que vous leurs apporter au quotidien.. c est grâce à vous et les asso que nous les adoptants trouvons du bonheur avec nos loulous.. .vous avez tous une patience et tout l amour qu' il leur faut après la maltraitance...ca ne doit pas être facile de leur redonner confiance en l humain et votre travail est tellement important pour qu' il la gagné.. .malgré la souffrance de la séparation quand ces amours trouvent une famille, vous continuez en sachant que vous revivrez cette étape a chaque loulou accueillis.. .
    Vous êtes vraiment des anges gardiens pour eux.. heureusement qu' il existe des personnes comme vous pour eux...bravo bravo...�❤���
    Bonne continuation à tous et du bonheur dans vos familles��
    Delphine et bago.....et bientôt jara��❤❤

  • #6

    Dana F. (lundi, 21 octobre 2019)

    Merci pour ce témoignage ! C'est exactement ça ! Nous sommes aussi FA, déjà 10 loulous qui ont partagé notre vie quelques semaines ou quelques mois. Le petit dernier part dans sa nouvelle famille jeudi et comme à chaque fois, je m'interroge : arrivera-t-il à s'adapter ? Ne fera-t-il pas une fugue, lui qui est si timide ? Pour le moment, tous nos protégés ont eu de la chance, ils ont trouvé de chouettes familles où ils sont heureux. J'en ai revu certains, parfois, ils se souviennent un peu, d'autres m'ont oubliée et c'est tant mieux ! Ça veut dire qu'ils sont bien et c'est ça qui compte.

  • #7

    Evelyne 54 (mardi, 22 octobre 2019 15:54)

    Je me retrouve dans ce témoignage de Nelly et de Catherine.....pour quasiment tous ces loulous, c'est l'apprentissage de la famille, des bruits de la maison, des câlins, de l'amour, de gamelles à volonté.
    Souvent nos loulous sont là pour nous épauler, ils apprennent au nouveau venu les règles de la maison , ils sont là aussi pour "éponger" notre tristesse lors du départ...il arrive que le loulou reste à la maison parce qu'on envisage pas la vie sans lui ......On a mal, mais on doit être un peu maso car on y retourne aussitôt qu'un autre poilu a besoin d'aide et ça recommence .......au fond, on aime ça

  • #8

    Tesa (mardi, 22 octobre 2019 19:14)

    On aime ça. on se dit ...on va avec l'aide de nos collaborateurs canins lui permette de se poser...et d'être tip top pour ses adoptants .ils se posent et certain vous fond des yeux de gratteur de mandoline ou sont tellement bavard et sans gêne.qu il ne sera plus possible de les laisser partir . Chaque Loulou est unique certain sont des cachotiers ils font les bonasses et puis ils se révèlent et vous découvrez que le gentil ranplanplan est une flèche...mais il avait pas envie de vous montre cette facette. On voit dès évolutions sidérantes c'est vrai que des congénères posés ça aide beaucoup .certain Loulou parte sans se retourner , ni un regard et d'autre c'est le regard qui cloue au mur.Et vous avez ceux qui sont des caracteres fort des Tout terrains ,des guerriers et la on sait qu'on a intérêt à prépare la notice détaille du caractere on pense à un grand ou moyen Chien très dominant mais les caracteres fort se logent aussi dans du 6kg ,de guerrière . Etre Fa c'est aussi avoir un stock de mouchoirs et accepter le regard triste de vos loulous...au départ du copain ou de la copine.on pleure pour le premier Comme pour le dernier.et on pleure des années apres s'il y a un coup de trafalgar.

  • #9

    Frédérique (mardi, 22 octobre 2019 20:26)

    Bravo, bravo et merci aux FA ! Je n'ai jamais eu le courage de le faire, jamais je ne pourrai laisser partir un toutou loin de moi . Heureusement que les FA sont plus courageuses et généreuses que moi...Lucho et Lila vous saluent bien !

  • #10

    Nathalie (jeudi, 24 octobre 2019 13:10)

    Quand on lit des annonces d'adoption, on se dit que pour celui-là, celui-ci, on serait parfait mais on peut faire des erreurs.
    Quand on rentre dans un refuge, on se dit que lui ou elle serait bien chez nous, nous sommes des milliers à être toujours prêt à en accueillir un de plus... Mais dehors, ils sont des millions à ne pas savoir s'adapter à cet être vivant qui n'a pas les mêmes besoins qu'eux, qui a des peurs qu'ils ne peuvent comprendre ou tout simplement parce que l'anthropomorphisme fait beaucoup de victimes. Ils ne parlent pas, ils ne nous comprennent pas, nous les faisons souffrir, humains qui ne savent pas les regarder comme eux nous scrutent pour nous interpréter encore et toujours, sensibles au moindre de nos changements.
    Que nous voudrions, pour se rassurer, que les nouveaux adoptants lisent une profession de foi du bon sens disant qu'ils s'adapteront à tout, qu'ils apprendront plus, qu'ils ne connaissent rien et qu'ils ne doivent pas avoir d’apriori.
    Quand on est bénévole, on voit les refuges placer des chiens et des chats sans aucun contrôle, seulement avec l'espoir que cette adoption sera entière et bienveillante, vanter tel chien minimisant ses défauts pour que les visiteurs s'arrêtent pour un potentiel départ.
    Quand on aime les bêtes, on a toujours peur de l'endroit où ils vont. Les élever pour les vendre, les récupérer pour les placer, les accueillir pour un temps : le moment où ils partent est toujours une déchirure parce que l'on connaît l'humain, nous sommes comme des parents qui voient partir leurs enfants vers leur vie d'adulte...

  • #11

    Rose (vendredi, 01 novembre 2019 20:01)

    Quel courage et quelle abnégation il faut pour être F.A.. Chapeau bas à toutes ces personnes qui, pour le bonheur des loulous qui leur sont confiés, acceptent d'avoir le coeur brisé et plein d'inquiétude encore et encore.