Récit du voyage de juin 2018 par Anny, vice-présidente
de Galgos France

9 sur 99....

 

C'est mon 9ème voyage pour Galgos France sur un total de 99 depuis mai 2007, date de la création de l'association par Nelly.

 

9...

 

Ce n'est même pas un 1/10ème de tous ces trajets éprouvants physiquement et surtout émotionnellement.

 

Corinne, l'ancienne présidente qui a connu les débuts de l'association, en a effectué plus de 80 en tant que chauffeur, mais elle a surtout œuvré majoritairement à la préparation des 98 voyages précédents. Pour ce 99ème voyage, elle m'a passé le flambeau, et je mesure toute la difficulté et la force physique dont il faut faire preuve pour s'occuper de la logistique de ce transport si particulier. Corinne a très souvent préparé le camion seule, mais avec ma taille enfant, je ne suis physiquement pas armée pour tout assumer, aussi j'ai fait appel à Jean, un ami qui a bien voulu me prêter ses 2 bras et sa bonne volonté pour m'aider à charger les 300 kg des 27 lourdes cages métalliques et les 500 kg de croquettes.

 

Ma taille enfant a quand même un avantage pour me faufiler à l'intérieur des cages afin de les arrimer solidement à la structure du camion..! Du coup, j'ai une vague idée de ce que peuvent ressentir les chiens enfermés dedans. J'ai également fait travailler mes abdos naturellement en chargeant le reste des dons et en préparant le camion. Mesdames, je ne le répéterai jamais assez, le bénévolat peut aussi entretenir votre taille sans vous ruiner..!

 

Ce 99ème voyage est particulier, car un doute plane au dessus de Galgos France : Va-t-on pouvoir continuer à transporter les chiens adoptés avec notre propre camion ? La logistique est tellement énorme que nous ignorons si nous pourrons encore nous le permettre, en raison, entre autres, des 325 000 kilomètres qui s'accumulent au compteur de notre camion vieillissant et du manque cruel de chauffeurs disponibles pendant ces 3 jours. Notre équipe est en pleine réflexion pour étudier toutes les options possibles et viables pour notre association. Nous devons trouver une solution avant le prochain voyage de septembre. Nous partons donc, Céline, Joseph et moi, sans savoir si ce voyage est notre dernier du genre, avec un camion bien plus rempli de dons qu'à l'accoutumée.

 

Je ne vous présente plus Joseph, si ? Rappelez-vous, un autre ami qui avait participé au voyage de février et qui nous avait gentiment fabriqué la belle estrade qui nous permet de décharger nos chiens en toute sécurité, et de charger notre cargaison sans faire l'équilibriste sur un escabeau. Cette fois-ci, j'ai sollicité Joseph pour un projet de travaux d'assainissement au refuge de Cuenca. Nous profiterons de son expertise pour évaluer le montant de ces lourds travaux qui permettraient aux chiens de moins patauger dans la boue dans les enclos.

Dois-je préciser que Joseph n'a eu besoin que de quelques minutes pour répondre favorablement à mon invitation ? Il était donc sincère quand il me disait qu'il avait vécu une aventure formidable lors de son précédent voyage...! En guise de remerciements pour sa disponibilité, nous choisissons l'itinéraire « Tourisme » par Teruel. Mais il en faut plus pour impressionner Joseph. Il ne vient que pour une chose qu'il assume pleinement : la bonne ambiance qui règne au refuge de Cuenca et au sein de son équipe. Il n'est pas là pour faire du tourisme, et c'est bien pour cela qu'on l'apprécie.

 

Notre timing est maintenant maîtrisé et nous rejoignons nos amies espagnoles au restaurant du coin pour savourer notre amitié en même temps que les bons plats toujours très copieux.

Nous constatons que Puri, la vice-présidente, revient plus régulièrement à nos soirées après de nombreux mois d'absence, heureuse de pouvoir partager à nouveau ces moments intenses, et en quelques sortes, rassurée aussi de la pérennisation de notre collaboration. En fin de repas, nous observons Ines à l'œuvre dans une tentative de sensibilisation pour faire stériliser le chat de la maison. Oui, il est bien nourri, mais les arguments qu'elle met en avant ne semblent pas convaincre la patronne du restaurant qui ne voit pas l'intérêt de castrer ce chat déjà si gentil. C'est l'autre mission de Cuencanimal : la sensibilisation à la protection animale au sens large. Elles profitent de chaque occasion pour diffuser leur message, mais la tâche est ardue. Il faut beaucoup de persévérance pour y arriver.

 

Lorsque nous évoquons les travaux, elles nous font part d'une autre urgence : bâtir un abri pour les croquettes au plus près du portail extérieur. Le chauffeur qui vient livrer les 1200 kg de croquettes toutes les 6 semaines, menace de ne plus entrer dans l'enceinte du refuge avec son camion. Il ne semble pas très à l'aise avec les chiens et se plaint du manque de place pour effectuer sa manœuvre. Bien sûr, il n'est pas ému de déposer volontairement sa lourde cargaison dans un lieu éloigné de l'abri actuel, et les 2 employées du refuge doivent alors transvaser un à un les sacs de 20 kg chacun, sous la pluie ou la canicule. Un travail de titan qui leur prend un temps précieux qu'elles pourraient dédier aux soins des chiens, sans compter les risques de problèmes de dos.

 

La soirée continue sans qu'un seul silence n'ait pu s'installer, tellement nous avons de choses à nous dire. Nous ne pensons même pas à immortaliser ce moment par des photos, mais juste à le vivre... et puis on n'est pas là pour faire du tourisme, n'est-ce pas, Joseph ? Il est temps de nous coucher pour recharger suffisamment les batteries ; les émotions du lendemain sont très gourmandes en énergie. 

Le lendemain, la météo nous joue des tours, et le beau temps que nous espérions n'est pas au RDV. Cela n'entame en rien notre enthousiasme à retrouver nos chers poilus qui ont en commun avec les autres célèbres poilus, une tranchée inondée de boue le long de chaque enclos de détente par fortes pluies comme aujourd'hui. Là non plus, l'heure n'est pas aux selfies..! Les galgos nous confirment qu'ils n'aiment pas la pluie, tous agglutinés sous un minuscule bout de toiture, pendant que leurs copains podencos ou croisés pataugent allègrement et jouent avec les balles de tennis que nous venons d'apporter.

 

Veronica me montre les derniers petits aménagements qu'elle a réalisés (c'est elle, la Bricolo du refuge..!) : de nombreux rangements qui libèrent de la place et dissuadent les rats de venir s'y installer. Le refuge est quand même en pleine nature, et il est impensable d'utiliser des produits chimiques à cause des chiens. Les filles sont époustouflées de la quantité de dons et leur Algeco suffit à peine pour tout loger..! Mais Veronica nous assure que d'ici le soir-même, tout serait à sa place. C'est l'autre agréable surprise de ce refuge ; même si ce n'est pas luxueux, il n'y a rien qui traîne, tout est admirablement rangé et propre. Ça s'appelle être efficace... Elle non plus n'est pas là pour faire du tourisme, hein Joseph ?

 

Tiens, oui mais au fait, il est où Joseph ? Déjà dans les enclos, pardi..! Il prend sa dose de léchouilles en même temps qu'il étudie la faisabilité des travaux, bien protégé dans le ciré qui traînait dans le camion et qui n'a quasiment jamais servi tellement il fait beau à chaque voyage... Le ciré était jaune quand Joseph l'a enfilé... Je vous laisse imaginer la couleur quand il est ressorti des enclos...! Joseph avait prévenu qu'il n'était pas là pour faire du tourisme... On veut bien le croire à présent..!

 

Après notre sympathique repas pris en commun avec les filles du refuge dans le 2ème Algeco, j'assume mon rôle de rabat-joie en annonçant la nécessité de commencer le chargement des chiens, d'autant plus que la pluie a cessé et que nous avons choisi de passer par Valencia au retour, en faisant un arrêt pour charger les 5 chiens d'Adaana.

 

Je n'aime pas spécialement ce moment où on arrache à ces filles ces chiens pour lesquels elles ont tant donné, parfois pendant des années. C'est toujours douloureux pour elles, aussi elles prennent leur temps de dire adieu à chacun d'eux, et je ne peux pas les blâmer. Elles leur glissent à l'oreille leurs derniers mots doux, des mots rassurants, des secrets. Elles nous donnent leurs dernières recommandations quant aux particularités de certains. Elles leur donnent un dernier coup de brosse pour qu'ils repartent plus beaux et pour partager encore un peu de complicité avec eux. C'est un moment de déchirement, solennel, lourd, digne. Et puis parfois elles craquent et fondent en larmes. Je n'ai jamais les mots qu'il faut, sinon leur promettre que je vais harceler les adoptants pour avoir des nouvelles régulières de leurs protégés. Parfois je pleure avec elles, comme pour les soulager de leur lourde peine. Parfois je m'occupe dans le camion, pour les laisser passer cette étape tranquillement.

 

La détresse dans le regard des chiens depuis leur cage dans le camion n'aide pas, et je me sens complice de ce malaise. Je devrais moi aussi prendre quelques fleurs de Bach pour surpasser ce nœud à la gorge qui met beaucoup de kilomètres à se dissiper. Je me convaincs que c'est pour la bonne cause, et que ces chiens partent vers leur nouvelle vie qui ne pouvait continuer au refuge. Oui, mais.... La plupart étaient malgré tout heureux au refuge où ils recevaient de l'amour pour la première fois, et où ils se sentaient chez eux ; c'est tout le paradoxe de ce moment qu'on ne peut véritablement comprendre que quand on l'a vécu.

La pluie revient de plus belle pour clore le tout. Cette fois-ci, c'est sûr, il faut vraiment partir. 

Comme pour nous redonner du baume au cœur, nous roulons vers le soleil. Les bénévoles d'Adaana nous attendent dans une maison perdue là-haut sur la montagne, chez une famille d'accueil formidable. Bon, la prochaine fois, je me fierai à mon instinct et à Google Earth qui me disait de me méfier de ce chemin de terre. D'ailleurs, ce n'est pas tant l'étroit chemin de terre mais plutôt du porche d'entrée trop bas dont j'aurais dû me méfier. Et oui, il est très grand le camion de Galgos France ! Mais malgré l'endroit pittoresque, Joseph, vous l'aurez deviné, n'était pas là pour faire du tourisme, et nous a manœuvré le camion comme un chef.

Évidemment, nous avions prévu de ne rester que le temps de charger les 5 chiens. Oui, mais ça, c'était avant d'avoir été captés par la vue époustouflante qui donnait sur Valencia.

On n'est pas là pour faire du tourisme, mais on va bien faire une petite vidéo quand même...!

 

Et puis, pour notre part, c'est la première fois que nous rencontrions la présidente de l'association (une autre Maria José), et cette admirable famille d'accueil où on sentait que les chiens étaient bien dans leurs pattes, à tel point que la famille d'accueil avait rédigé une lettre pour chacun des adoptants, et leur petite fille avait fait un dessin pour illustrer les spécificités de « son » chien Ferdinand (sans oublier son « pollito », le poulet en plastique qui est son jouet favori). La pudeur empêchera les adultes de pleurer devant nous. Les enfants ne s'encombrent pas de tout ça... Ils sont tristes, ils pleurent, point.

 

Nous repartons donc en retard avec un camion plus léger qu'à l'aller, mais plus lourd de sens. 27 nouvelles vies sont entre nos mains. Nous n'avons pas droit à l'erreur, et c'est presque de manière professionnelle que nous conduisons chacun notre tour en guettant nos moindres signes de fatigue. Pas de tourisme non plus, nous avalons les kilomètres consciencieusement, tentant de raccourcir le temps de trajet en limitant les arrêts et en optimisant les temps de repos individuels. 

 

Et nous voilà repartis pour la phase la plus critique du voyage : les dernières heures. Partis à 15 h 45 de Cuenca, nous roulons depuis 12 h. Le camion, notre vieillard, est plus en forme que nous, puisqu'il ne donne aucun signe de faiblesse. Nous finissons par arriver à 6 h à Mazarin où Catherine, une déléguée de l'ombre, est déjà réveillée aux premières lueurs du jour pour nous préparer l'accueillant café que nous proposons à nos adoptants.

Mais qu'est-ce qu'un délégué de l'ombre ? C'est ce bénévole que vous ne voyez jamais sur les photos ou les vidéos de Galgos France, et qui pourtant, apporte humblement sa pierre à l'édifice ; celui qui « fait sa part », pour reprendre un célèbre philosophe. Il est en amont ou en aval, il ne récolte aucune gloire. Pourtant sans lui, plus rien n'est possible, mais il se croit tout petit, insignifiant, invisible. Il ne se rend compte du travail accompli que quand il voit le regard de ces chiens heureux dans leurs nouvelles familles, mais il n'a pas conscience que c'est aussi un peu grâce à lui. Ce délégué de l'ombre ne suit que son cœur qui le pousse à consacrer une grande partie de son temps libre à autre chose que ses propres loisirs.

Cela s'appelle du dévouement sincère, et vous tous, les délégués de l'ombre, n'avez pas à en rougir, mais vous avez toute ma reconnaissance.

 

Les adoptants qui ont pu se déplacer jusqu'à Mazarin arrivent. Nous saurons enfin si l'alchimie opère avec leur nouveau compagnon, et si nous pourrons repartir pour 99 autres voyages en camion. 

 

A toi, Corinne, à qui Galgos France doit beaucoup, vraiment beaucoup... Merci

 

Album photos à feuilleter ICI et LA

Vidéo du voyage ICI et de Perdigon ICI